Printemps arabe et hiver islamique

Au printemps arabe, expression d'un souffle de liberté et une aspiration des peuples du sud de la méditerranée à la démocratie, succède un hiver islamique dont les occidentaux ne savent s'ils doivent s'en inquiéter. En Tunisie le parti Ennahda et son chef historique Rached Ghannouchi a remporté un succès sans appel, au Maroc le PJD est arrivé en tête des élections législatives anticipées organisées par Mohammed VI pour tenter de faire face à une grogne montante. Il vient de nommer un islamiste considéré comme modéré mais dont les déclarations ont parfois choqué, à la tête du Gouvernement, ce dernier affirmant de pas vouloir instaurer la charia. En Egypte les frères musulmans qui depuis l'origine tirent les ficelles des manifestations de la place Tarhir sont en passe de devenir le parti majoritaire issu des urnes çes jours-ci. En Libye, la chute de Kadhafi a laissé le champ libre aux ultra-conservateurs.
Tout ça pour ça serait-on tenté de dire avec une pointe d'inquiétude sur les conséquences géopolitiques des victoires électorales des partis théologiques dans ces démocraties balbutiantes.
D'abord, il convient de s'incliner devant le verdict du suffrage populaire, qui constitue à la fois pour ces mouvements une force mais une responsabilité, celle de respecter les aspirations des peuples qu'ils sont amené à gouverner.
En Tunisie, il est clair que la société est attaché aux droits et libertés dont elle a disposé y compris sous les régimes de Bourgiba et de Ben Ali. Idem pour le Maroc qui reste un pays ouvert dont le coeur est en Afrique et le regard tourné vers l'Europe. Reste la Libye dont les intérêts économiques et la géographie centrale entre Maghreb et proche Orient auront une influence sur la conduite gouvernementale. La communauté internationale, l'Europe et au premier rang la France, par une diplomatie active sont des partenaires dont les nouveaux dirigeants libyens ne peuvent faire l'économie.
En réalité , c'est de l'Egypte dont les inquiétudes peuvent légitimement naître. Ses frontières communes avec Israel, l'histoire tumultueuse des relations entre les deux Etats, la question palestinienne, la faiblesse de la structure sociétale du pays, le rôle de l'armée sont d'autant d'éléments explosifs. A postériori, on comprend dès lors mieux l'extrême prudence de la diplomatie française aux premiers jours des manifestations populaires du Caire. La vigilance reste de mise mais le cycle des saisons peut nous faire espérer qu'à l'hiver succédera un printemps où la démocratie, les libertés, y compris les libertés religieuses et les droits fondamentaux seront durablement ancrés dans les pays de l'arc méditerranéen.